(FR) Une résidence de créateurs de projets en pleine montagne
Retour en images du Camp d'Été 2024 "Donner du corps et des racines à nos rêves"
Cet article tente de faire le lien entre la permaculture intérieure et extérieure. Du côté intérieur, j'explore les émotions, les sentiments, la communication, la motivation et l'estime de soi, ainsi que le processus de mise à l'écart des stratégies d'auto-sabotage.
J'espère qu'un jour, la permaculture sera également reconnue comme une évolution de la pensée, transformant notre rapport à la réalité, à l'univers, aux plantes, aux animaux et au soin de notre planète, comme le feraient de véritables jardiniers planétaires.
Bien que nous ayons consacré une journée entière au soin de la Terre - en en faisant une ligne de chant ('songline') prioritaire dans l'organisation du Camp d'Été Rêve du Dragon de l'année dernière - nous avons eu du mal à trouver du temps pour des projets individuels. Pourtant, les projets présentés ici offrent un aperçu de ce qui s'est passé.
Pour moi, il s'agit d'une célébration du Soin à la Terre, du Soin aux Personnes et du Soin aux Possibilités (également connu sous le nom de Partage équitable). Si l'observation de soi est un thème fort de cet article - en accord avec le premier principe de permaculture de David Holmgren, Observer et interagir -, son deuxième principe, Capter et stocker l'énergie, se reflète dans les nombreux projets qui ont vu le jour. Le processus de rassemblement pourrait être considéré comme une expression du huitième principe, « Intégrer plutôt que séparer », puisque nous avons accueilli des personnes d'origines sociales diverses, en utilisant une méthode de paiement dégressif pour la participation.
Quelles autres passerelles voyez-vous entre la permaculture intérieure et extérieure ?
Je ne crois pas que la biologie - la science primaire qui a jeté les bases de la permaculture telle qu'elle a été imaginée par David Holmgren et Bill Mollison - suffise à elle seule à appréhender le vaste univers des possibilités qui se présentent à l'âme humaine.
Un matérialiste pourrait dire que ces possibilités naissent dans le cerveau humain. Je préfère cependant considérer la valeur non matérielle comme un autre point de référence - c'est pourquoi j'utiliserai le terme « Être ».
Je vous remercie d'avoir lu cet avant-propos.
“Quand les pieds ne veulent plus vous porter, on monte avec sa tête. Et c'est vrai. Ce n'est peut-être pas dans l'ordre naturel des choses, mais ne vaut-il pas mieux marcher avec la tête que de penser avec les pieds comme il arrive souvent.”
- René Daumal, Le Mont Analogue.
Pour donner du corps aux projets que nous portons, il faut les incarner et s’autoriser des pas vers l’inconnu. Créant notre récit au fur et à mesure, nous écrivons notre destin sur de l’eau. Cela demande une extraordinaire Clarté pour tenir le cap et l’équilibre infime entre ‘néant’ et ‘création’ sans que tout ne s’effondre comme un château de cartes.
Qui décide de ce qui a de la valeur ? Toi ou le marché ? Les normes de la ‘société’ tournées vers le profit bétonné ou ce cœur vulnérable qui sait qu’un autre monde est possible ?
Sans solutions toutes prêtes, il ne reste que notre ultime responsabilité, celle de choisir avec nos tripes plutôt qu’avec nos têtes - remplies qu’elles sont de ‘choses à faire’ plutôt que de ‘désirs d’exister’, de corps à davantage habiter, de pouvoir personnel à récupérer.
Sans idées préconçues, il ne reste que notre Être, notre capacité à exister et à dire fermement ce que l’on ne veut plus et ce que l’on veut. Il reste nous et nos sentiments, exprimant dans l’instant présent notre envie profonde de nous relier à quelque chose dont la valeur ne peut être comptée : nos être vulnérables, vrais, sereins et déterminés à faire de la place dans cet instant présent… et cet instant présent… et cet instant présent.
Est-il si facile de tenir ce cap ? Seul, presque impossible. À plusieurs, plus probable à condition de se faire confiance.
Les injonctions et les jugements appris à l’école ou à la maison sont le reflet d’un cadre rigide qui plus tard se reproduit au travail, dans les règles, les lois et les protocoles devenant la routine mortelle du non-sens. Comment s’en libérer sans tomber dans son exact opposé : le sabotage ou l’absence de direction, le chaos de l’autodestruction ?
Il nous faut nous réorganiser. De l’intérieur.
Entre cadre et sabotage, il reste peu de probabilités de mener à terme des projets véritablement innovants, sociaux et respectueux du vivant. Il faut bâtir le gouvernail qui va nous permettre de tenir le cap et créer le contexte, la culture dans laquelle les injonctions, les jugements et la violence insidieuse se tait pour laisser suffisamment d’espace à la présence.
Il nous faut nous réorganiser. De l’intérieur. Il nous faut récupérer notre pouvoir du dedans.
Un hors piste culturel
C’était pour nous un défi de nous rencontrer ‘sans programme’ et de créer un hors piste culturel où le temps présent et les rêves qui nous sont chers sont honorés. Nous n’avons pas abandonné notre projet un peu fou de nous rencontrer sans savoir ce que nous allions faire en amont et d’œuvrer pour le vivant avec ce qui est vivant en nous. En somme : avoir confiance en nous, en l’humain et en ses ressources face au moment présent était notre focus.
L’humain comptait plus que le programme. L’ergonomie du moment présent comptait plus que la prévoyance de se tromper. Le pire aurait été de ne pas faire d’erreur.
Lors de la résidence de port’heureuses de projet dans les Pyrénées nous avons exploré la méthodologie et philosophie Rêve du Dragon et la pratique transformative Gestion du Possible.

En plus d’une vue sublime pour porter nos cœurs, nous avons utilisé une pratique de cercle de rêves pour mêler nos aspirations communes. Le rêve de l’une, nourrissant le rêve de l’autre. Le rêve commun de sortie de résidence nourrissant à son tour les rêves individuels.
Il en est ressorti une pluie de projets tels que :
Un spectacle sur les 4 sentiments, “la gastronomie émotionnelle”
Un “café curieux” (ou Permaludique), juché dans une cabane aux enfants pour sa présentation
Une conférence gesticulée sur le Rêve du Dragon, par Julien Berlusconi
Un atelier présentation de la langue parlée complétée par Gaëlle Mory
Une présentation de l’écolieu “Commune Ô Terre” par Nadia
Une présentation de “Mowatouatounous”, un projet d’éco-région porté par Paloma Alvarez
Cela se passa ainsi…
L’aurore se levait sur les jardins du Mélilot, avec vue sur les montagnes des Pyrénées. Nous étions la veille du Camp d’Été et la signalétique du jardin pour les nouvelles arrivantes venait d’être réalisée. Un terreau fertile pendant les 7 prochains jours de la création d’une culture commune pouvait être posé, comme une signalétique intérieure.
C’est quoi une proposition? et une proposition claire? c’est quoi un consentement dans une prise de décision? Bref… la raison d’être du langage humain (que je n’ai jamais appris à l’école !) pouvait être posée et discutée.
Pendant les 2 premiers jours et demi : notre raison d’être ensemble, notre façon de communiquer et de prendre des décisions était notre principal focus. Après des négociations et avoir mis en place des rôles tournants pour la facilitation, une vitesse commune d’apprentissage et de partage était mise en place.
Un nécessaire ralentissement pour pouvoir évoluer ensemble.
4 jours et demi ont été pris pour à la fois apprendre la méthodologie de projets Rêve du Dragon ainsi que mettre en place différents ateliers pratiques liés à la Gestion du Possible.
La méthodologie et philosophie Rêve du Dragon
La méthodologie et philosophie Rêve du Dragon est présentée dans son ensemble et mise en pratique : danse des dragons (pour ces énergies inconscientes qui peuvent nous saboter si nous n’en sommes pas conscients), Karrabirdt (planification des tâches non-linéaire), cercle de rêves (chaque rêve devient aussi un rêve commun pour collaborer de façon créative), communication charismatique (pour l’annonce et l’invitation à la sortie de résidence).
La pratique expérientielle de la Gestion du Possible
La pratique expérientielle de la Gestion du Possible a consisté quant à elle à : “dire ce que je ne veux pas et ce que je veux”, un atelier sur les 4 sentiments “je suis en colère parce que…, j’ai peur parce que…, je suis triste parce que… et je suis joyeux parce que…” et un atelier pour apprendre à s’écouter en profondeur permettant d’avoir une communication plus claire et de nous saisir de notre intelligence émotionnelle : “les boucles de complétudes”
Tous ces moments partagés nous ont fait manquer de temps pour les projets individuels, malgré un partage sensible à la Passerelle du Cœur - un lieu nommé ainsi pour la présence d’une nature vivifiante et inspirante. C’est un feedback: nous ferons le prochain Camp d’Été plus long, avec un focus plus poussé sur les projets individuels.
Malgré ce temps court pour à la fois : honorer la Terre, porter nos projets singuliers, notre projet commun de sortie de résidence et apprendre du Rêve du Dragon et de la Gestion du Possible, l’impossible s’est réalisé, nous avons mis en place une sortie de résidence et présenté nos projets !
Une sortie de résidence peu commune, avec un florilège de projets
Atelier de langue parlée complétée
En démarrant depuis la ‘Salle qui Danse’, l’atelier de Gaëlle sur la langue des signes parlée complétée (un langage codé) s’est produit d’une manière légendaire : “Alors que les portes étaient fermées dans la salle, j’ai su dire à quelqu’un qui est entré de ne pas perturber l’espace et de partir. Avant cet événement il n’était pas concevable que je dise cela à quelqu’un de cette manière déterminée et franche. J’ai appris à honorer mon espace et mes limites.”
Affirme-toi ! Atelier d’expression de ce que je veux.
Sous l’Arbre des Rêves se tenait l’atelier de Gabriel sur l’affirmation de soi : “Affirme-toi !”. Dans cet atelier les gens disent à tour de rôle ce qu’ils ne veulent pas avec leurs 4 sentiments (peur, colère, tristesse, joie) puis ce qu’ils veulent. Des cris, des pleurs et des éclats de rire ponctuent les échanges, mouvementés.
“Je n’ai pas pensé que ça pouvait être aussi intense de dire ce que je veux et ne veux pas” dira une participante.
Le Café Curieux
Puis nous remontons vers la ‘Cabane des Enfants’, un lieu dans lequel Ludivine et Gabriel avaient installé le ‘Café Curieux’, avec les peintures énergétiques de Gabriel ainsi que le jeu ‘Qu’en disent les patates’ qui a bien failli retarder toute la troupe, tant les joueuses ne voulaient pas s’arrêter.

Véritable jeu de cartes intimiste pour stimuler le dialogue et la coopération dans une Équipe, en famille ou en entreprise, le jeu de Cartes “Qu’en disent les patates” a bien trouvé sa version prototype, en attendant d’être imprimé et distribué dans des cafés ludiques un peu partout en France et pourquoi pas ailleurs.
La danse des dragons
Ludivine a animé la ‘danse des dragons’ et s’est rendue compte que cet espace n’avait pas besoin de musique tant la danse et la musique était présente à l’intérieur des gens eux-mêmes. “Pour moi c’est un atelier qui invite à rencontrer ses ombres de façon intime et dans le corps physique. C’est là où il y a de la magie car le corps physique ne trompe pas. Après il y a vraiment le fait de se mettre dans la peau de son ‘dragon’ qui nous permet de changer d’identité. C’est intégrer une part de soi cachée. C’est révélateur.” Partageait alors Ludivine à la fin de cet atelier.
Ludivine anime depuis de nombreux ateliers comme la ‘Communication Créative’ qui permet à chacun de s’approprier à sa façon sa manière personnelle de communiquer sur son activité.
Sieste créative
Avant de reprendre l’après-midi, une sieste créative a été proposée pour laisser émerger tout projet, rêve ou désir de faire ou non quelque chose dans ce temps de relaxation.
Conférence Gesticulée sur le Rêve du Dragon
En cheminant vers l’Arbre à Palabres nous avons rencontré Julien qui s’était préparé pour sa première internationale Conférence Gesticulée sur le Rêve du Dragon.
Qu’est-ce qu’un dragon ?
Julien en avait plusieurs.
Perfecto qui l’empêche d’agir tant que ce n’est pas ‘complètement prêt’ (autant dire que s’il l’écoutait il ne passerait pas à l’action), et Timidus qui l’empêche de s’exprimer.
“Quelle est la bonne recette pour réussir un projet ?”
Julien nous a expliqué le Rêve du Dragon grâce à sa recette spéciale du 4 quarts. Est-ce son amour de la Bretagne qui l’a fait parler ainsi ? Pas sûr. En tout cas, son humour aura eu vite fait de faire rire et de célébrer nos déconvenues d’entrepreneurs et de coopérateurs.
“Qu’est-ce qui nourrit l’enthousiasme d’un projet, en collectif ?”
Peut-être est-ce la capacité à rêver et pas que, simplement célébrer les étapes accomplies permet d’y voir plus clair et d’éviter le phénomène de la ‘roue de hamster’ et agir en perdant de vue le fond du projet, son cœur, ses fondements. Il existe une pratique qui permet cela : elle s’appelle leRêve du Dragon.
Gastronomie Émotionnelle
Puis c'est à mon tour de présenter ma première de “Gastronomie Émotionnelle”: un spectacle vivant tout dans l’instant présent.
Un spectacle improvisé avec vos humeurs quotidiennes, tout en sueurs froides, mains moites et gorge sèche.
De quoi sont faites vos émotions ? Comment les dégustez-vous ? Quels couverts utilisez-vous dans votre culture pour les goûter ?
Aimez-vous plutôt à chaud ou en froid, cru ou cuit ? À prendre avec des pincettes ou bien à ramasser à la petite cuiller ? Saupoudré d’anxiété ou bien mixé de perplexité. Je suis un peu tout ça et vous ?
Mowatouatounous, un projet d’éco-région porté par Paloma Alvarez
Après des échanges autour de émotions de chacune, nous nous dirigeons vers la terrasse pour écouter la présentation du projet d’éco-région de Paloma
“Sur le chemin de la réalisation de ce projet, la préparation comme l'expérience en tant que telle du camp d'été étaient des étapes évidentes. Je trouve que les approches du rêve du dragon comme de la gestion du possible sont de belles voies à emprunter pour nous soutenir dans l'émergence de nos nouvelles cultures, celles qui prennent soin ; soin de Soi, soin des Autres, soin du Tout. Le camp d'été m'a permis de les goûter et les explorer en allant à la rencontre d'autres rêveureuses. De partager nos élans, nos couleurs, nos trésors, de sentir les synergies possibles... Tout en nous offrant cet espace-temps comme travail pour chacun de nos rêves ! Le camp d'été a été très riche, très nourrissant sur beaucoup de plans, le tout dans les Pyrénées avec une vue magique... Pépite !”
“Mon intention centrale, celle du rêve qui grandit en moi depuis douze ans, est de favoriser l'épanouissement de tous.tes, durablement.”
Commune Ô Terre
Un petit détour et c’est le projet de Nadia Banzante, Commune ô Terre qui est présenté.
Inspiré de ses multiples visites de communautés, Nadia nous brosse le portrait d’un lieu politique porté et créé par et pour les citoyens.
L’accompagnement de Maude
Maude nous a également parlé de sa pratique de coaching et d’accompagnement au milieu des fleurs et des champs.
Qu’est-ce qui fait qu’un accompagnement est spécial ?
Maude a sa propre manière d’y répondre en nous reconnectant à ce qui est vraiment important pour nous dans l’instant présent.
La célébration de fin
Nous avons tous pu présenter nos projets à une douzaine de personnes venues pour l’occasion.
Puis la soirée s’est construite sur une célébration commune : chants occitans, feu de camp, repas partagé, remerciements à la Terre.
Qu’est-ce qui se passe lorsque l’on laisse faire le vivant en soi : ses sentiments dans l’instant présent ? Il en ressort une capacité d’action décuplée sans jugements, sans complexes, authentiques et viables pour la Terre.
À l’année prochaine pour de nouvelles découvertes et de nouveaux projets !